jeudi 14 mai 2015

Pukhtu primo - DOA

"Le mieux qu’Al Capone pouvait faire, c’était de racketter trois quartiers. Moi, j’agissais sur trois continents." Smedley D. Butler, La guerre est un racket.

"Pukhtu" est le quatrième roman de DOA. Auteur notamment de Citoyens clandestins, Grand prix de littérature policière en 2007, et de L'honorable société, co-écrit avec Dominique ManottiGrand prix de littérature policière en 2012.

Afghanistan, année 2008.

Sept ans après la chute du Mollah Omar, la guerre contre le terrorisme fait toujours rage. Les talibans, un temps acculés, reprennent progressivement du terrain. Cette semi-résurrection est due à la guerre en Irak qui monopolise une partie des forces de la coalition menées par les Etats-Unis.

2008 marque aussi un autre tournant dans la guerre en Afghanistan. Les drones s'emploient à bombarder des cibles repérées au sol par des équipes privées issues du complexe militaro-industriel américaines. Entre 2008 et 2009, l'Afghanistan va connaître un déferlement de missiles et de bombes. Paradoxalement à cela, la culture du pavot va elle aussi connaître des records d'exploitations.

C'est dans ce contexte que nous suivons Sher Ali Khan Zadran, un chef pachtoune, héros de la guerre contre les Soviétiques. Il se trouve loin des talibans, loin de cette nouvelle guerre, loin de ce monde qu'il veut épargner à ses deux enfants, son fils Adil et sa fille Baïdra, à qui ils souhaitent faire quitter le pays. Mais il était écrit qu'il ne pourrait ignorer ce conflit encore bien longtemps. Par une nuit, alors que lui et ses enfants se trouvent forcés à suivre un groupe de talibans, ils vont être les victimes collatérales de l'attaque d'un drone. Sher Ali en sort blessé, tandis que ses deux enfants sont tués.

Dès lors, le chef pachtoune va être nourri d'un esprit de vengeance. Cette attaque, visant un chef taliban, a été menée avec l'aide du 6N, une entreprise privée de mercenaires mise sur pied par la CIA. Sher Ali va tout faire pour remonter vers ces hommes et les Afghans qui les accompagnaient dans cette besogne. Son chemin prendra la route d'une haine aveugle pourvue d'une violence sans retenue.

Mais dans ce pays en proie à des dissociations internes, étouffé par la présence étrangère, meurtri pas les drones et les attentats, une autre guerre se joue, celle du trafic de drogue où le 6N joue aussi un rôle.

Cette lecture nous plonge sur le terrain de la guerre, dans sa saleté et son immoralité, ce pourquoi elle a lieu, le terrorisme, et ce qu'elle engendre en sous main, le profit. La neutralité dégagée par l'auteur dans son écriture nous dévoile la face sombre, voire pourrie, des deux camps possédant chacun une morale perverse. Il nous démontre aussi les nouvelles méthodes de guerre insufflées par les Etats-Unis.

La narration, ou plutôt l'imagination de DOA, nous transmet une sensation de réelle dans chaque scène de combat, ainsi que l'impression d'être présent en Afghanistan sur son sol rocailleux et poussiéreux : nous vivons à l'heure afghane. Il est difficile de décrocher de ce livre, malgré son épaisseur, sa multitude d'informations et de personnages.

Certes, ce livre est loin d'être fait pour le grand public par son sujet et sa construction, beaucoup risquent, à tort, de s'en détourner. Ceux qui l'ont lu, ou le liront, se jetteront sans hésiter sur le deuzio qui devrait paraître courant 2016.
YB.  

Quatrième de couverture :

Le terme pukhtu renvoie aux valeurs fondamentales du peuple pachtoune, l’honneur personnel – ghairat – et celui des siens, de sa tribu – izzat. Dire d’un homme qu’il n’a pas de pukhtu est une injure mortelle. Pukhtu est l’histoire d’un père qui, comme tous les pères, craint de se voir privé de ses enfants par la folie de son époque. Non, plutôt d’une jeune femme que le remords et la culpabilité abîment. Ou peut-être d’un fils, éloigné de sa famille par la force du destin. À moins qu’il ne s'agisse de celle d’un homme cherchant à redonner un sens à sa vie. Elle se passe en Asie centrale, en Afrique, en Amérique du Nord, en Europe et raconte des guerres ouvertes et sanglantes, des conflits plus secrets, contre la terreur, le trafic de drogue, et des combats intimes, avec soi-même, pour rester debout et survivre. C’est une histoire de maintenant, à l’ombre du monde et pourtant terriblement dans le monde. Elle met en scène des citoyens clandestins.

Pukhtu, Editions Gallimard, mars 2015.

4 commentaires:

  1. ca fait un ptit moment que je me dis qu'il faut que je pense à aller acheter ce bouquin !! DOA ne m'a jamais déçu jusqu'ici, je doute que ce soit avec celui ci qu'il commence ! :)

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    1. c'est les yeux fermés que nous pouvons aller acheter ses livres, sans vraiment se soucier des avis, ils ont juste l'effet de nous faire accélérer l'achat.

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  2. C'est vrai que ce "Primo" appelle la lecture du "Deuzio"...
    Ta description du bouquin est particulièrement bien vue.

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